Nous devons mieux pousser l’innovation et valoriser les innovateurs dans notre système éducatif. Sans éducation, connaissance ou savoir, il n’y a pas d’innovation technologique possible
Barbara Belvisi est la cofondatrice, avec Alexis Houssou, du Hardware Club. Le Hardware Club est la première structure d’accompagnement mondiale dédiée aux startups hardware, qui a pour mission d’aider une nouvelle génération de startups ambitieuses à devenir les géants de l’électronique grand public de demain. Elle y dirige l’équipe d’investissement, et a soutenu des startups comme Prynt, Reach Robotics, Keecker et Blocks.
HARDWARE CLUB, SI VOUS DEVIEZ EN PARLER EN QUELQUES MOTS ?
Le Hardware Club, c’est d’abord la plus grande communauté de startups hardware, avec 145 startups dans 23 pays soit plus de 300 entrepreneurs regroupés au sein d’une même plateforme. Nous les accompagnons sur les sujets-clés du hardware comme la production, la distribution et le financement, grâce à notre fonds d’investissement. C’est aussi le plus grand réseau de producteurs, distributeurs et retailers au monde. Nous avons tissé des partenariats avec les grands noms de la distribution, comme Best Buy ou Amazon, et de la production comme Foxconn, et totalisons aujourd’hui plus de 80 accords signés, dans 30 pays différents. Enfin, le Hardware Club c’est aussi un fonds d’investissement qui a pour objectif d’investir dans les startups membres du club. Souvent, le Hardware Club est décrit comme un « fonds d’investissement construit à l’envers ». En général, les fonds investissent dans des entreprises et construisent ensuite une communauté d’entraide, de partage et de ressources au sein de leur portefeuille. Chez Hardware Club, nous avons d’abord créé la communauté, puis les ressources et nous investissons ensuite.
COMMENT L’IDÉE DE HARDWARE CLUB A ÉMERGÉ ?
Alexis Houssou et moi-même sommes tous deux passionnés de robotique et de hardware. Il y a 4 ans, nous avons quitté nos emplois respectifs pour créer Elephants & Ventures, une venture-boutique spécialisée dans le conseil et l’investissement pour les startups dans le secteur de l’électronique grand public. Nous pouvons notamment compter parmi notre portefeuille Lima, ISKN et Prynt. Nous nous sommes très rapidement aperçus que ces startups rencontraient les mêmes problématiques, principalement au niveau de la production et de la distribution, surtout lorsqu’il s’agissait de changer d’échelle. Il n’existait aucune structure pour accompagner à long terme les entrepreneurs sur ces problématiques cruciales. Seuls quelques accélérateurs offraient (et offrent toujours) des programmes de quelques mois pour travailler sur les phases de prototypage et d’industrialisation. Nous avons alors décidé de créer le Hardware Club, de rassembler les meilleurs de ces entrepreneurs au sein d’une communauté et de miser sur l’effet du réseau pour les aider à construire les « Apple » de demain.
COMMENT UNE STARTUP PEUT-ELLE CANDIDATER À HARDWARE CLUB ?
L’accès au club est entièrement gratuit et nous ne prenons pas d’equity (de parts de l’entreprise, NDLR) à l’entrée. C’est pour cela que nous sommes extrêmement sélectifs. Sur les 1200 candidatures reçues à ce jour, seuls 10 % des startups ont été admises. Nos critères de sélection sont proches de ceux des fonds de venture capital.
Premier critère, il faut être une startup qui innove dans l’électronique grand public, que ce soit à travers un produit ou une technologie. Les membres du Club sont souvent dans des secteurs comme la robotique, les drones, les objets connectés ou encore les wearables [objets connectés portables, comme les montres connectées, NDLR].
Les startups que nous sélectionnons sont à tout stade de développement. Nous avons des startups en phase prototypage (comme Blocks) et d’autres qui distribuent des millions de produits dans le monde (comme Misfit).
Enfin, nous regardons le profil et la complémentarité de l’équipe, nous évaluons la technologie et le potentiel disruptif de l’innovation et nous nous focalisons aussi très fortement sur les usages et ce que le produit apporte au consommateur final.
PENSEZ-VOUS QUE L’INNOVATION EN FRANCE DOIVE REPOSER SUR L’ENTREPRENEURIAT ?
L’innovation, en France, comme dans tous les pays du monde, passe par l’entrepreneuriat. Nous avons besoin de ces innovateurs, ces créateurs, qui pensent et construisent les technologies et les produits de demain pour nous permettre d’évoluer vers un monde meilleur.
Mais on ne naît pas innovateur ou entrepreneur, on le devient et ce notamment grâce à l’éducation. Nous devons mieux pousser l’innovation et valoriser les innovateurs dans notre système éducatif. Sans éducation, connaissance ou savoir, il n’y pas d’innovation technologique possible. Il est nécessaire à la fois de sensibiliser les plus jeunes aux problématiques fondamentales comme celles de l’environnement, de leur donner les outils et les moyens de créer des solutions pour demain.
QUELLES SONT, D’APRÈS VOUS, LES TENDANCES À L’OEUVRE AUJOURD’HUI ET QUI FERONT LE MONDE DE DEMAIN ?
Nous vivons une période extraordinaire : celle de la révolution hardware. Depuis l’arrivée de l’iPhone en 2007, un ensemble de facteurs successifs a permis l’émergence d’une nouvelle génération de fondateurs bien décidés à construire les produits de demain. Parmi les secteurs que nous voyons le plus bouger aujourd’hui, il y a la maison intelligente, la santé connectée, la robotique, la réalité augmentée ou encore l’énergie sans fil. La disparition des câbles et fils électriques est pour bientôt : beaucoup de startups travaillent aujourd’hui sur des moyens de charger les appareils électriques autrement que par le fil électrique ou la plateforme à induction. Imaginer un monde sans fil, où les batteries se chargent par ultrason. Ou encore un monde où chacun d’entre nous peut générer sa propre énergie simplement en marchant.
À la croisée des secteurs de la santé connectée et celui du quantified-self, une nouvelle tendance apparaît : celle des wearables actifs, qui ne se contentent plus de collecter des données, mais aussi d’influencer notre corps, à travers des stimulations électriques, électrochimiques ou mécaniques. Toujours dans l’optique d’améliorer et d’augmenter l’être humain. La robotique est aussi en plein boom. Aldebaran a ouvert le chemin avec Nao et Pepper, et nous assistons depuis à un développement formidable des robots à la fois en termes de fonctionnalités, mais aussi d’interaction. Nous ne sommes pas encore au stade des films de science-fiction qui ont bercé notre enfance, mais le robot du futur existe déjà. Il surveille votre maison, commande votre repas, projette un film sur votre mur, ou appelle un membre de votre famille quand vous le lui demandez. Demain, grâce aux progrès de l’intelligence artificielle, il tondra votre pelouse et réceptionnera votre livraison lorsque vous êtes au bureau.
Enfin, la réalité virtuelle et la réalité augmentée se développent et gagnent chaque jour en réalisme. On peut dès aujourd’hui vivre l’expérience des jeux vidéo de manière totalement immersive, et on pourra bientôt même les ressentir. Les technologies d’hologrammes se développent et nos écrans vont rapidement projeter des images 3D. Nous avons tous anticipé l’avènement de la maison connectée, mais l’expérience pour l’utilisateur manque encore de fluidité. Certains verticaux sont plus accessibles, comme celui de la sécurité, avec des caméras de plus en plus intelligentes. Mais tous aujourd’hui travaillent à une véritable intégration et un partage des informations entre objets pour améliorer l’expérience utilisateur et en finir avec la multiplication des interfaces.
QUEL A ÉTÉ VOTRE DERNIER EFFET « WHAOUH » ?
Question difficile pour moi, j’en ai tous les jours. Mon quotidien est de rencontrer des entrepreneurs aux quatre coins du monde, tous plus inventifs les uns que les autres et qui travaillent sur des technologies et produits toujours plus excitants ! Récemment, j’ai vu des écrans holographiques, des robots qui nettoient les océans, des « tissus de capteurs » qui recréent la sensation de toucher, des hologrammes grandeur nature… Pour quelqu’un qui est fan de science-fiction et de robots, c’est un « effet whaouh » tous les jours garantis !
Source : le mon de de demain, – Février 2016