L’intelligence artificielle permet au secteur de la banque-assurance de faire évoluer sa relation client, d’améliorer la qualité de son conseil et de répondre aux objectifs réglementaires. Elle rééquilibre la relation avec le client final, comme l’explique Jean-Philippe Desbiolles, vice-président Cognitive Solutions d’IBM France.
Quelles sont les différentes applications de l’intelligence artificielle dans le domaine de la banque ?
Jean-Philippe Desbiolles – Faire référence à l’intelligence artificielle (IA) ou à l’intelligence augmentée dans ce secteur revient à parler de banque apprenante. Le développement d’Internet dans les services bancaires a progressivement inversé la relation entre le banquier et son client. Aujourd’hui, le banquier sachant est challengé par un client surinformé. De leur côté, les forces de vente ont été soumises à des objectifs renforcés sur une plateforme de produits élargie, ce qui les a parfois amenées à pousser des produits pas toujours en phase avec les besoins des clients. Il faut réussir à desserrer ce double étau et permettre aux forces de vente de retrouver leur rôle de conseil. L’IA intervient pour cela à trois niveaux. Elle permet de rétablir une relation et un dialogue de confiance avec le client, en remettant du rationnel et de l’explication dans les décisions. Dans ce secteur, les expertises sont parfois pointues et les experts pas toujours faciles à joindre. L’intelligence artificielle permet aux collaborateurs d’accéder plus facilement aux savoirs et aux savoir-faire. Ils interviennent aussi dans le volet risque et conformité, notamment en ce qui concerne la « consistance du service » sur laquelle les banques sont pénalement responsables. Même dans un contexte d’hyper personnalisation, l’IA aide à rendre le conseil consistant, c’est-à-dire à s’assurer que la banque apporte le même niveau de conseil, quelle que soit l’agence qui l’a fourni.
Avec quels types d’offres cela se traduit-il ?
J.-P. D. – La banque-assurance est très engagée dans le design de l’expérience client et revoit en profondeur ses interfaces relationnelles. L’IA facilite le dialogue grâce à l’utilisation du langage naturel, de la reconnaissance visuelle… IBM a par exemple créé avec Orange Bank un conseiller virtuel, Djingo powered by Watson intégré avec l’outil de relation client de Salesforce. Orange Bank, la première banque en France 100% digitale peut ainsi délivrer une relation client de bout en bout et devenir une banque apprenante via l’enrichissement continuel de la data.
Dans d’autres cas, les assistants virtuels aident aussi les collaborateurs à répondre aux demandes des clients. Des systèmes d’analyse du ton peuvent détecter si une conversation est empathique ou agressive, ce qui permet d’adapter la discussion. Nous avons développé pour le Crédit Mutuel des assistants virtuels qui analysent les mails entrants des clients. Watson lit, comprend les messages et analyse leur degré d’urgence selon le sujet ou le ton de la demande. La relation entre la banque et ses clients devient ainsi plus personnalisée et plus efficace. En ce qui concerne le conseil, les décisions sont souvent prises avec 20 % de la data dont on aurait besoin. Watson sait lire et analyser ces 80 % de données non structurées qui aident pourtant à prendre de meilleures décisions. Sur le volet risque et conformité, les systèmes cognitifs sont capables d’appliquer des méthodes de type Know Your Customer (KYC) pour vérifier l’identité et les caractéristiques d’un client, et s’assurer de la conformité à la réglementation. IBM mène avec le Crédit Agricole CIB des expérimentations dans ce domaine du KYC.
Quelles pourraient être les prochaines évolutions ?
J.-P. D. – Le collaborateur des banques et le client final vont devenir de plus en plus augmentés. On le voit déjà avec les Digital Natives, qu’il faudrait d’ailleurs appeler « Cognitive Natives ». Pour cette génération, le dialogue avec un assistant intelligent est quelque chose de tout à fait naturel. L’application des systèmes cognitifs et l’IA sont une chance inouïe pour donner du pouvoir au collaborateur et au client et recréer un dialogue et une relation client équilibrés. Il faut toutefois faire attention à ne pas survendre l’IA et rester attentif à l’appropriation et à l’adoption des solutions cognitives par les banques. Avant le cognitif, la performance d’un système informatique ne variait pas, qu’elle soit utilisée ou pas. Avec les systèmes cognitifs, la performance vient de l’utilisation et de l’enrichissement continu de la data. La valeur intrinsèque d’un projet IA dépend aussi de l’intégration dans les systèmes des réseaux bancaires.
Source : Les clés de demain – 5 Mars 2018